A propos d’un article de France Info : La crypte des Brotteaux
Les journalistes aiment bien parler de trumpisation des esprits, pour dissimuler que les fabricants d’idéologie bataillent dur et ferme pour inculquer les idées d’extrême droite, réactionnaires, dans les esprits. Nous en avons un bon exemple avec un article de France Info le 12/10 sur le soulèvement des monarchistes contre la République à Lyon en 1793.
Après avoir restauré la statue de Louis XIV place Bellecour présentée comme un symbole lyonnais par le maire de Lyon et le président de la métropole, « l’air du temps » amène comme par hasard une émission de France Info qui nous parle d’un lieu de mémoire du « massacre des lyonnais » par la république en 1793, la crypte des Brotteaux.
Les faits sont rapportés de façon apparemment objective, (interview d’ecclésiastiques), en fait très mensongère, puisqu’il est question de la reprise de la ville passée aux mains des monarchistes, par les troupes de la République, sans dire un mot de ce qu’il se passe à ce moment là dans le pays et en Europe. La contre-révolution à Lyon et partout en France tente d’abattre cette République qui a osé abolir les privilèges de la noblesse et du clergé, et proclamer les droits de l’homme et du citoyen qui sont désignés comme un crime contre Dieu par le pape.
Il se trouve que Marcel Picquier, décédé l’an dernier, a écrit un livre sur Joseph Chalier, leader des sans culottes lyonnais de 1793, qui donne un aperçu complet clair et documenté de ces événements de Lyon. Il donne aussi une analyse des falsifications de l’Eglise répétées depuis , et que le reportage de France Info reprend intégralement.
Résumons: La lutte entre Girondins et Montagnards se crispe lorsque les Girondins cherchent à protéger le roi après son arrestation lors de sa fuite à Varennes. Les girondins engagent la guerre pour sauver le roi qui tourne au désastre après la trahison de certains généraux qui pactisent avec les troupes prussiennes et autrichiennes. C’est le signal de l’offensive tous azimuts contre la République , en Vendée, à Toulon, partout ou c’est possible.
A Lyon la lutte entre les Montagnards et les Girondins est vive, et contrairement à Paris, ce sont les Girondins qui l’emportent, en organisant un coup de force. Ils procèdent à l’arrestation des Montagnards, de Chalier le leader des sans-culotte et du maire Bertrand. Chalier qui n’a jamais fait exécuter personne est guillotiné. Les girondins organisent une répression massive et toutes les forces monarchistes se précipitent à Lyon qui passe sous le contrôle du général monarchiste de Percy et du clergé réfractaire (la partie du clergé qui appelle à la guerre sainte contre la République). La Convention engagée dans la résistance face à l’invasion extérieure et à la guerre civile intérieure doit envoyer une armée pour reprendre Lyon, noeud stratégique entre Paris et le midi, les frontières de l’Est et l’Italie. Les combats font rage et se terminent par la défaite des monarchistes et du clergé.
Quelques extraits du livre de Marcel Picquier sur joseph Chalier et ses amis: (éditeur: fédération départementale du Rhône de la Libre Pensée)
La rebellión royaliste lyonnaise
« La rebellión lyonnaise qui abat la municipalité jacobine est une coalition de contre-révolutionnaires, d’ex-révolutionnaires - feuillants ou girondins - de fabricants, de leurs commis et domestiques, de clercs, de négociants et banquiers satisfaits d’avoir conquis le pouvoir réel et de s’être appropriés les biens nationaux à très bon marché, en raison de la dépréciation des assignats. Il faut ajouter le clergé à cette liste; il avait ,certes, souffert de la confiscation de ses biens et de la Constitution civile du Clergé, mais à Lyon les liens étaient depuis toujours, étroits avec la bourgeoisie : d’ailleurs lorsque Linsolas, le vicaire général de l’Archevêque de Marbeuf, en exil, qui ne mettra jamais les pieds dans sa ville, sera emprisonné, le maire Vittet, pourtant futur élu à la Convention, le fera discrètement libérer. Et ce vicaire général jouera un rôle de premier plan dans la résistance royaliste à la Convention, grâce à la masse de manoeuvre de plusieurs milliers de prêtres réfractaires cachés à Lyon et très actifs (…)
Le 29 mai, les rebelles rassemblés à Bellecour, sous la présidence de l’avocat Fréminville, un royaliste, organisent trois colonnes d’hommes armés. En empruntant les quais, ils marchent sur l’Hotel de ville qui tombera le soir même au prix de 45 morts et115 blessés.
Chaliier et ses amis, dont le maire Bertrand, sont jetés en prison. La population ouvrière cherchera à défendre son leader: le 2 juillet, encore à l’instigation des sections du Gourguillon et de St Georges, une foule d’hommes et de femmes se dirige sur la prison de la Roanne en criant : Vive Marat, vive Chalier. Le procureur de la Commune met 10 000 hommes sous les armes, les forme en haie, braque un canon et désarme 200 citoyens environ. » (p 53-54)
« Le 8 juillet le colonel de Précy, un royaliste notoire, est nommé général de l’armée lyonnaise. Il s’entoure d’officiers supérieurs royalistes bien connus, comme le marquis de Virieu en dépit du fait qu’il rentre d’émigration et s’est compromis par son royalisme ardent (…)
Le 10 juillet , Lyon franchit le pas et se joint aux fédéralistes en envoyant à Bourges deux commissaires pour participer à la formation, contre la Convention, d’une autre assemblée nationale à Bourges. Le 16 juillet, Chalier est guillotiné. Les ponts sont rompus définitivement avec la Convention qui fait de Chalier, aux cotés de Marat poignardé le 13 juillet et Le Pelletier de Saint Fargeau, assassiné pour avoir voté la mort du roi, un martyr de la Révolution.
Lé 2 octobre Couthon arrive à Lyon et ordonne l‘attaque à outrance. Dans la nuit du 8 au 9 octobre, le général de Précy tente une sortie avec 700 hommes. Son arrière garde commandée par le marquis de Vireu est anéantie. Les effectifs de la colonne fondent rapidement sous les assauts des détachements de cavalerie et des paysans appelés aux armes par le tocsin contre les nobles de retour. De Précy disparait aux environs de Feurs. Il y aurait eu 50 survivants. Le 9 octobre la ville est prise. « ((p57-58)
La répression
« La répression fera officiellement 1876 victimes, fusillées ou mitraillées aux Brotteaux, guillotinées parce Bellecour ou place des Terreaux.
Faut-il parler d’une répression barbare et aveugle? Non. Lyon n’était pas le seul lieu de la Nation où le sort de la République se jouait les armes à la main. Pour la Convention révolutionnaire et ses représentants en mission, la question, en ces mois de 1793, était de sauver la République attaquée de tous cotés et par la coalition réactionnaire de toute l’Europe ou de périr avec elle. Ce ne sont pas les révolutionnaires qui avaient commencé la guerre civile. Ils avaient à la gagner.
C’est ici qu’il faut rappeler les paroles célèbres que Gracchus Babeuf qui venait d’assister aux scènes d’émeutes joyeuses mais sanglantes du 14 juillet 1789, adresse le même jour à sa femme: « Oh que cette joie me faisait mal ! J’étais tout à la fois satisfait et mécontent. Je disais tant mieux et tant pis. Je comprend que le peuple fasse justice, j’approuve cette justice lorsqu’elle est satisfaite par l’anéantissent des coupables, mais pourrait-elle aujourd’hui n’être pas cruelle? Les supplices en tout genre, l’écartèlement, la torture, la roue, les buchers, le fouet, les gibets, les boureaux multipliés partout, nous ont fait de si mauvaises moeurs! Les maitres au lieu de nous policer nous ont fait barbares, parce qu’ils le sont eux-mêmes. Ils récoltent et récolteront ce qu’ils ont semé car tout cela ma pauvre femme, aura ce qu’il parait des suites terribles : nous n’en sommes qu’au début. »
La commission de Justice Militaire, nommée par Couthon qui jugea les rebelles pris les armes à la main siégea jusqu’au 28 novembre et prononça 106 condamnations sur 156 jugements… A partir du 30 octobre, Fouché et Collot d’Herbois succèdent à Couthon et accélèrent la répression … Cette juridiction est responsable de 1684 condamnations à mort. » (p64-65)
La Défense de la cause royale
M Picquier donne ensuite une analyse détaillée des catégories sociales frappées par la répression, car l’Eglise a soutenue que les victimes « exerçaient d’humbles métiers ». Si des petites gens ont été frappées, pour l’essentiel ce sont les nobles, les membres du clergé et la bourgeoisie qui ont été condamnées, pour leur participation à la contre révolution et non pour leurs opinions religieuses. Ce qui est aussi dissimulé par les historiens de l’Eglise c’est la terreur blanche après Thermidor. Nous renvoyons à l’ouvrage sur Chalier pour suivre cette répression occultée. Puis à partir de 1819, un monument est édifié « A la gloire de Dieu, A la mémoire des victimes du siège de Lyon, 1793 ». En tête des souscripteurs figuraient les noms du comte d’Artois (futur Charles X), du duc et de la duchesse d’Angoulême. Puis une crypte dans l’Eglise des Brotteaux a recueilli les ossements des « martyrs » du siège « pour transmettre à la postérité le souvenir du siège mémorable qu’a soutenue la ville de Lyon pour la défense de la cause royale »
C’est en 1969 qu’un maire de Lyon Louis Pradel fit adopter un financement pour cette chapelle. Le 4 avril 1987, le Duc d’Anjou, ainé de la maison de Bourbon, est venu s’incliner et déposer une gerbe devant l’ossuaire.
On remarque dans le reportage de France Info, un appel des ecclésiastiques pour que les familles recherchent dans leurs ancêtres, s’il n’y aurait pas une victime de la répression , autrement dit une victime de la République. Vieille tactique , quand elle est discréditée l’Eglise prétend être persécutée.
L’Eglise catholique à Lyon se trouve en grande difficulté du fait des scandales particulièrement nombreux. Face aux victimes des prêtres pédophiles couverts par le cardinal Barbarin, aux révélations stupéfiantes par les dominicains eux-mêmes de la gravité des viols commis par les frères Dominique et Thomas Philippe (communauté St Jean), après la chute de l’abbé Pierre de son piédestal sur le grand mur peint des grands hommes lyonnais, il faut bien restaurer l’image de l’Eglise. Mais est-ce le rôle du service public, en principe laïque, de servir cette triste opération?
Pourquoi France Info ne donne-t- pas la parole aux victimes actuelles de l’Eglise à Lyon?
