Migrants mineurs isolés à Lyon : La  Lettre mensuelle d’informations de la Fédération du Rhône de la Libre Pensée a Interviewé le COLLECTIF SOUTIENS/MIGRANTS CROIX-ROUSSE

 

Propos recueillis par Xavier HYVERT ; membre du bureau de la Fédération du Rhône de la Libre Pensée.

La Fédération du Rhône de la Libre Pensée remercie le COLLECTIF SOUTIENS/MIGRANTS CROIX ROUSSE (Nommé dans la suite CSM/XR), dont elle salue l’action et son représentant,  pour avoir accepté cet interview.

La lettre mensuelle : Cette interview a lieu au moment où la France vient d’être accusée par l’ONU de « violations graves » des droits des enfants migrants. Un article de Médiapart rapporte que : « Dans un rapport publié le 16 octobre 2025, le Comité des droits de l’enfant des Nations unies (CRC) affirme qu’en France, beaucoup de migrants ne pouvant accéder au système de protection de l’enfance se retrouvent sans abri, privés de soins de base et vivant dans des conditions «dégradantes ». Le CRC constate qu’un « grand nombre » de ceux qui se déclarent enfants sont traités comme des adultes, à la suite de procédures d’évaluation de l’âge jugées « défaillantes ». Alors que la loi française, selon l’ONU « considère les mineurs non accompagnés avant tout comme des enfants ayant besoin de soins et de protection ». Peux-tu, pour les lecteurs de la Lettre mensuelle d’informations de la Fédération du Rhône de la Libre Pensée, te présenter et présenter le COLLECTIF SOUTIENS/MIGRANTS CROIX-ROUSSE ainsi que les raisons de son existence, son histoire en quelques mots ?

CSM/XR : Le Collectif soutiens/migrants Croix-Rousse s'est constitué en 2018/2019 au squat de l'ancien collège Maurice Scève qui avait été « ouvert » (nous revendiquions une « réquisition citoyenne ») par des militants pour héberger des mineurs isolés qui étaient abandonnés par la Métropole de Lyon (en charge de la protection de l'enfance) et qui avaient établis un petit campement dans les jardins de la montée de la Grande Côte à la Croix-Rousse. Ce premier squat a duré deux ans, hébergeant aussi beaucoup de demandeurs d'asile qui se trouvaient à la rue (il y a eu jusqu'à 400 habitants dans ce squat). Le Collectif s'est donc constitué sur le terrain, par la pratique de l'accompagnement des habitants de ce squat et la nécessité de s'organiser, notamment pour préserver le lieu.
Le collectif a toujours eu deux axes dans ses actions  : d'une part, accompagner et soutenir matériellement les personnes exilées subissant la maltraitance institutionnelle du non-accueil, par exemple en ouvrant des squats, et d'autre part, militer, organiser des manifestations, médiatiser la situation pour revendiquer un accueil digne des exilés dans notre pays et, a minima, le respect des droits fondamentaux pour toutes et tous.

La lettre mensuelle : Pourrais-tu  décrire la situation des migrants que vous aidez et les différentes actions que vous menez avec le Collectif?

CSM/XROUSSE : Aujourd'hui, nous nous concentrons sur le soutien aux mineurs isolés en recours : ces jeunes se présentant comme mineurs et dont la prise en charge est refusée par la Métropole qui, au terme d'une évaluation contestable (un simple entretien), met en doute leur minorité. Pendant la durée de leur recours en justice qui peut durer 6 mois à un an, les jeunes sont abandonnés des institutions, dans une zone grise du droit car « ni mineur, ni majeur », sans aucune ressource. Pourtant, une majorité d'entre elles et eux seront bien reconnus mineurs par la justice des enfants au terme de la procédure de recours.
Le Collectif revendique l'application du principe de présomption de minorité, comme le préconise la Défenseure des Droits, c'est à dire que ces jeunes soient considérés comme mineurs et pris en charge par la protection de l'enfance jusqu'à la fin de leur recours en justice.
C'est parce que la France ne respecte pas ce principe énoncé par la Convention Internationale des Droits de l'Enfant qu'elle a été condamnée à plusieurs reprises par l'ONU et la Cour Européenne des Droits de l'Homme (CEDH).
Depuis la fin de l'occupation de l'ancien collège en 2020, le Collectif a ouvert 4 squats, lieux d'hébergement pour les mineurs en recours, dont 3 sont aujourd'hui fermés et géré également deux lieux mis à disposition par les propriétaires, toujours dans des bâtiments vacants inutilisés depuis plusieurs années. Sur ces lieux, le Collectif achète la nourriture pour que les jeunes puissent préparer un repas collectif par jour, paye les fluides (énergie, eau) et les travaux éventuels pour entretenir les bâtiments, fournit les produits d'entretien (hygiène corporelle et ménagère) avec un peu d'aide de la Croix-Rouge, des crédits pour le téléphone,... Actuellement nous hébergeons ainsi 85 jeunes (60 garçons et 25 filles) dans deux lieux.
Malheureusement cela ne suffit pas pour héberger tous les jeunes (quelques centaines à Lyon) et depuis 3 ans, se constituent des campements de mineurs en recours dans la ville de Lyon, pour lesquels nous achetons les tentes, fournissons le minimum pour l'hygiène et l'équipement contre le froid, organisons les dons du voisinage sur place,...
Actuellement, 250 à 300 jeunes (sur)vivent au campement des Chartreux à la Croix-Rousse.

La lettre mensuelle : Pourrais-tu  apporter des précisions sur les coûts de revient des actions que vous menez ?

CSM/XR : Actuellement nous dépensons environ 6000 euros par mois pour l'accompagnement des presque 400 jeunes que nous soutenons. A titre d'exemple, une bouteille de gaz nous coûte 37 €, nous en achetons 3 par semaine pour le squat du Pa55age, une tente 2 places vaut 30 €, nous en achetons presqu'une cinquantaine par mois pour le campement, un sac de riz de 20 kilos nous coûte 28 €, nous en consommons 4 par semaine pour le Pa55age et un pour la maison des filles, cette semaine nous avons voté un budget de 700 euros pour acheter des bouillottes aux jeunes du campement,...
Nous ne touchons pas de subvention des institutions, tout est financé par la solidarité de particuliers (ou parfois d'organisations militantes comme la vôtre). Nous avons une cagnotte en ligne et nous organisons des fêtes et événements pour visibiliser la situation des jeunes et récolter des fonds, les dons déclarés peuvent faire l'objet de rescrits fiscaux..

La lettre mensuelle : Souhaites-tu ajouter quelque chose?

CSM/XROUSSE : Notre première banderole, déployée lors d 'une séance du conseil métropolitain disait « Nous ne ferons pas le travail à votre place ». 7 ans plus tard, nous faisons encore beaucoup trop à la place des institutions, mais nous militons toujours pour que celles-ci assument leurs responsabilités afin que nous puissions disparaître.
Il s'agit, à Lyon, de prendre en charge 300 à 400 jeunes qui ne souhaitent qu'aller à l'école, se former pour apprendre un métier et vivre parmi nous. Rien d'insurmontable à nos yeux pour une Métropole de 1,5 millions d'habitants.
Dans l'hexagone, nous estimons à 3500 le nombre de mineurs isolés « en recours » abandonnés des institutions. Pour accompagner 400 jeunes le Collectif Soutiens/Migrants Croix-Rousse  estime le besoin à 72.000€ par an soit 180€ par personne.

La lettre mensuelle vous remercie de ce temps d'interview, LA FEDERATION DU RHÔNE DE LA LIBRE PENSEE VOUS APPELLLE A SOUTENIR  FINANCIEREMENT LE COLLECTIF SOUTIENS/MIGRANTS CROIX-ROUSSE en cliquant sur  https://www.payasso.fr/librepensee69/doncomitemigrants

Les sommes collectées par la Libre Pensée du Rhône lui seront intégralement reversées.