Une invention nommée Jésus par Nicolas Bourgeois
Notre ami Nicolas Bourgeois a publié en 2008 un ouvrage d’exégèse rationaliste sur Jésus, puis a fait un retirage en 2017. Il est complété par un résumé de sa thèse dans une autre publication. Il n’a pas pris une ride et sa lecture est très agréable. Je ne puis que vous recommander sa lecture.
L’auteur tente de se frayer un chemin original entre les Mythistes et les Mythomanes. Il met en avant un « Jésus historique », qui n’a nullement existé, sur lequel il n’y a aucune preuve réelle et intangible de son existence. « Le Jésus historique n’est pas un personnage, c’est un domaine de recherches. Il serait plus juste de parler du « Jésus des historiens. »
Pour lui, les Mythistes « voient en Jésus comme un personnage construit tardivement (deuxième siècle ou après) à partir de mythes païens, grecs, romains, égyptiens, perses, etc.. ». Nous donnerons volontiers la parole à ceux qui voudraient soutenir en argumentant cette thèse contestée par Nicolas Bourgeois. Sapere Aude est fait pour cela.
Il démontre toutes les falsifications et interpolations dans l’Histoire pour tenter de prouver son existence. Il y en a qui sont connues, d’autres moins. « Historique » ne veut pas dire qu’il a existé, mais qu’il est incontestablement entré dans l’Histoire, en forçant quelque peu la porte. Il rappelle fort justement que Paul (Saül de Tarse » n’a jamais connu Jésus dans ses écrits, et que ses « lettres sont des ouvrages de théologie dont l’écriture s’explique aussi bien, que
Jésus ait existé ou pas. »
C’est indéniable. Dans les polémiques avec les cléricaux (j’emploie ce terme à dessein, car « l’existence de Jésus », leur sert à légitimer leurs actions dans les sociétés et les institutions), il nous a été souvent répondu que le Christianisme ne pourrait exister sans l’existence de Jésus. Or, c’est justement le cas : combien de religions, de sectes, d’affabulations ont pu voir le jour à partir de l’invention d’un personnage ou d’un fait inexistant.
Une question essentielle : le Baptême de Jésus
La question du baptême de Jésus est évoquée dans l’ouvrage, d’abord sur le thème des contradictions. « D’après Matthieu et Marc, Jean-le-Baptiste est arrêté et exécuté après avoir baptisé Jésus. D’après Luc, Jésus est baptisé par on ne sait qui après l’arrestation de Jean-le- Baptiste. L’Évangile de Jean ne parle pas du Baptême de Jésus. »
Cette question me semble déterminante pour réduire à néant la religion abrahamique en y ajoutant la question du Péché originel, où « Dieu » est le seul responsable de la Chute, puisque non seulement il laisse faire, alors qu’il pouvait intervenir pour que l’Acte maudit ne s’accomplisse pas, et que c’est lui qui l’organise. Adam et Ève et l’Humanité ad vitam sont punis pour avoir accompli le dessein du Père. Au Tribunal civil des Hommes, c’est le géniteur qui serait condamné et non sa descendance.
Dans mon étude sur le Concile de Nicée (Sapere Aude N°6), j’expliquai le problème : L’Église condamne Arius et lui donne finalement raison. La théorie du Baptême de Jésus par Jean-le- Baptiste ruine entièrement la théorie de « même substance divine » entre les trois composantes de la Trinité.
Si le Fils est de même nature divine que le Père-Dieu, cela n’a aucun sens que Jean-le- Baptiste le baptise. On ne baptise pas Dieu puisqu’il est Dieu et que c’est lui qui a inventé le baptême. Le Credo décidé à Nicée le dit clairement.
Nous croyons en un seul Dieu, Père tout-puissant, créateur de tous les êtres visibles et invisibles.
Et en un seul Seigneur Jésus-Christ, Fils unique de Dieu, né du Père, c’est-à-dire de la substance du Père,
Dieu de Dieu, lumière de lumière, vrai Dieu de vrai Dieu ; engendré, et non fait, consubstantiel au Père, par qui a été fait tout ce qui est au ciel et sur la terre ; qui pour nous, hommes, et pour notre salut est descendu, s’est incarné et s’est fait homme ; a souffert, est ressuscité le troisième jour, est monté aux cieux, et viendra de nouveau juger les vivants et les morts. Et au Saint-Esprit.
Ceux qui disent : « il y a un temps où il n’était pas, avant de naître, il n’était pas ; il a été fait comme les êtres tirés du néant ; il est d’une substance (hypostasis), d’une essence (ousia) différente, il a été créé ; le Fils de Dieu est muable et sujet au changement »,
L’Église catholique et apostolique les anathématise.
Le Fils est « genitus non factus », engendré et non pas fait. Il n’est pas « fils de l’Homme devenu Dieu », mais Dieu dès sa conception, en conséquence, on ne peut baptiser Dieu. Arius défendait la théorie qu’il était Homme devenu Dieu par le Baptême, cela avait alors un sens de faire intervenir Jean-le-Baptiste pour plonger Jésus dans le Jourdain. En clair, l’Église catholique anathématise Arius et lui donne raison en même temps. Elle est coutumière de ce gendre d’hypocrisie.
Rires et affirmations loufoques
Dans sa démonstration Nicolas Bourgeois a souvent beaucoup d‘humour, notamment quand il montre que le Nouveau-Testament est plagié sur l’Ancien, jusqu’à la caricature. Le Prophète Élisée nourrissait cent personnes avec 20 pains, alors que Jésus pour en sustenter 5 000 n’eut besoin que de cinq pains et deux poissons. Champion du Monde ! Le « Christ » devait s’appeler « Jésus » pour ressembler à « Josué », le successeur de Moïse dans l’Ancien- Testament, l’Église a tout volé à tout le monde.
Dans leur manie de mythomane pour prouver une existence qui n’a jamais été, les auteurs chrétiens nous font parfois bien sourire. Il est cité dans l’ouvrage de Joseph Klausner en 1922 que Jésus, par humilité, se prosterna devant une brique. Est-ce là la première version du « Tu es Pierre, et sur cette pierre, je bâtirai mon Église » ? La brique a précédé la pierre en lui ouvrant le chemin ?
John P.Meier, plus récemment, affirme que le Christ a accompli 33 vrais miracles. Est-ce de cela que provient le Rite Maçonnique Écossais Ancien et Accepté en 33 grades ? Chaque Grade étant « un miracle » par lui-même pour celui et celle qui le reçoit ?
Sont reprises aussi, avec intérêt, les thèses sur les falsifications, comme celle qui mélange Nazareth le village et la secte des Nazoréens, il fallait à toute force introduire le pied dans une chaussure trop petite. L’âne et le bœuf sont le produit d’un emprunt à un évangile apocryphe et la crèche (de la Nativité) n’était qu’une mangeoire pour animaux. « Le juste humilié qui souffre et meurt pour racheter les péchés de son peuple est un thème de l’Ancien-Testament » que l’on rencontre en Psaume 22 et Isaïe 53. Cela ressert pour les 4 Évangélistes reconnus officiellement par l’Église. Ces quelques exemples sont d’excellentes mises en bouche pour que vous dégustiez cet ouvrage, comme il le mérite.
L’auteur montre aussi que les références à Jésus dans les textes juifs et païens n’apparaissent que bien après la diffusion du discours chrétien. Elles ne sont que des reprises et non la preuve de l’existence de Jésus.
Rappelons une évidence pour les Libres Penseurs, il n’y a pas de vérités révélées ou établies dans l’Exégèse rationaliste, il n’y a que de nouvelles pistes et de nouvelles portes ouvertes pour la recherche. Mais tous seront d’accord avec la conclusion de l’auteur : « L’existence de Jésus est une affirmation de foi et non d’Histoire. »
Christian Eyschen
Une invention nommée Jésus par Nicolas Bourgeois – 200 pages – 18€
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